DIMANCHE 18 FÉVRIER 1996 - 15h30
Minutes hors du temps, tout à la fois brèves et intensément longues ; minutes décisives, de celles qui président aux grands changements ; le petit avion blanc et bleu de Ben démarre, faisant voler derrière lui la neige en poudre et en plaques.
De l'autre coté des vitres embuées, Jean-Michel et Marc-Éric me font un dernier signe. Jean-Mi veut prendre une photo, mais c'est déjà trop tard, l'avion a tourné et la barre de l'aile me cache ses passagers. Ben est pressé. Malgré le soleil qui diffuse encore à travers les nuages assez hauts, il commence à neiger et cela pourrait se dégrader rapidement.

L'avion s'éloigne lentement, se place face au vent et, dans un vrombissement assourdissant, décolle lourdement. Mes yeux s'accrochent à lui encore un moment au-dessus de la forêt et puis plus rien. Le bruit du moteur, déjà étouffé par la neige, disparaît tout à fait.
Me voici seul, complètement isolé, et je ressens soudain, comme un petit pincement, la subtile prise de conscience, agréable et douloureuse, de mon nouvel état. Le lieu a déjà changé. Je suis un peu impressionné par ce sentiment si soudain de vide, et en même temps, je me sens infiniment libre et heureux. Je ne sais pas ce que les jours prochains me réservent, mais je regrette déjà que Ben revienne me chercher dans une si petite semaine. (...)
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