Carnet de voyagePhilippe RABAGNAC Carnet de voyage
Texte extrait du carnet de l'expédition
hivernale au Canada "Rivières Blanches".

Boussole et tempête


MARDI 13 FÉVRIER 1996 - 16h00

Nous atteignons la surface plate et dégagée du lac. Sous la chape des nuages, le jour commence déjà à décliner. Nous avisons en face une zone apparemment campable non loin de la sortie du lac et nous nous mettons en route. Cette fois, c'est Jean-Mi qui trace. Avec Marc-Éric, nous consultons encore la carte. Quelque chose me chagrine dans la morphologie de ce lac. Ma boussole n'est pas d’accord avec nos conclusions et je trouve ça bizarre. Pourtant non, nous sommes bien là, donc on va là-bas ; l'arrivée de la rivière est un peu plus loin à gauche : tout colle. Sauf cette boussole qui s'entête. De toute façon Jean-Mi est maintenant loin sur le lac et nous n'allons pas passer la nuit ici. Nous nous remettons face au vent pour repartir et soudain, je vois l'horizon disparaître dans une immense nuée blanche. Jean-Mi nous attend et regarde de notre côté. Je lui fais de grands signes et il finit par se retourner. Il a à peine le temps de fermer sa parka, qu'il disparaît lui aussi happé par la nuée qui se rue sur nous. Tempête de neige, tous aux abris ! Nous nous emballons très vite : gants, lunettes, cagoule, toque. Ziiiiiiiiip ! Les parkas se ferment alors que la neige nous atteint à l'horizontale.
Nous repartons avec le vent de face mais la visibilité reste finalement assez bonne. Au sol, des zones grises apparaissent, signe, en général, de glace fragile. Mais là, ces zones semblent glisser sur la surface du lac. Ce sont en fait des "courants de neige" poussés par le vent à notre rencontre, qui filent à quelques centimètres du sol comme de grands serpents plats.

Lorsque nous arrivons enfin au lieu repéré, la tempête s'arrête aussi brusquement qu'elle avait commencé et nous apercevons même quelques lambeaux de ciel bleu. Le coin est effectivement campable mais nous ne sommes apparemment pas tout à fait là où nous pensions arriver sur la carte. La boussole avait peut-être raison de s'entêter à mettre le nord trop à l'est. Maintenant, l'important c'est de s'installer, de manger et d'aller dormir. On fera le point demain. (...)

Philippe Rabagnac